Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/228

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Et tenus prêts pour l'an, le mois, l’heure et le jour,
Afin que du désert les hordes aguerries
Vers l’accomplissement des vastes boucheries
S’élancent à la fois, afin que le sang frais
Des chevaux d’Hyrcanie empourpre les jarrets,
Afin que les guerriers, ceints de lourdes armures,
Moissonnent l’Occident comme un champ d’herbes mûres,
Afin que rien n’échappe et que sur son chemin
L’Exterminateur fauche un tiers du genre humain ! —

Et l’Ange alors, ouvrant ses jambes comme une arche,
Eut pour degré la Terre et l’Océan pour marche.
Et la foudre parla ; mais lui, me défendit
D’écrire le secret que la foudre avait dit,
Et farouche, levant le bras, d’une voix rude
Prit à témoin le ciel et l’âpre solitude :
— Je jure par Celui qui préexiste et vit,
Je jure par l’Abîme et par tout ce qui vit
Sur l’informe chaos courir le souffle antique,
Par tout ce qui germa dans l’ombre prophétique,
Par tout ce qui se meut sous le haut firmament,
Par la terre et le ciel, je jure un grand serment :
Les siècles sont finis ; l’âge complémentaire
A filé sa durée au fuseau du mystère.
Les siècles sont finis et le Temps consommé ! —

Et prosterné, livide, et comme inanimé,
J’entendis vaguement résonner des bruits d’armes,
Et pleuvoir et gronder un déluge de larmes,