Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/227

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D’un, unique coup d’aile ayant franchi les cieux,
Un Ange s’abattit sur le monde anxieux,
Quand formidablement la trompette éperdue
Eut d’un cinquième appel réveillé l’étendue.
Et l’Ange descendait sans trêve et, se mouvant
Comme un aigle blessé, s’enfonçait plus avant.
Et sa main se crispait et dans sa main sublime
Étincelait la clef secrète de l’Abîme.
Et le puits fut ouvert.

                                   Des mornes profondeurs,
Par grappes, par essaims, par nuages rôdeurs,
Brusquement émergeaient d’énormes sauterelles
Qui, s’échappant ensemble et se heurtant entre elles,
Troublaient l’immensité d’un bruit roulant de chars.
Leurs visages pâlis semblaient humains ; des dards
De scorpions, armant la courbe de leurs queues,
Imprimaient dans les chairs des cicatrices bleues ;
Et des cheveux épars, plus longs et plus touffus
Que des boucles de femme, erraient en nœuds confus
Sur leurs dos cuirassés et, ruisselant des mitres,
Comme un réseau de fer étreignaient les élytres.
Et tel qu’un roi puissant, sur le noir tourbillon
Volait celui qu’on nomme en grec Apollyon,
Abaddôn en hébreu.

                                  — Malheur ! le large Euphrate,
A dit le sixième Ange, écume et se dilate.
Délivrez les Esprits enchaînés à l’entour