Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/251

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L’étranger m’interroge, ô Cieux, que répondrai-je
Sinon que la Parole était pareille au vent,
La Loi comme un pilier sur un sable mouvant,
L’Ecriture un filet troué, les Prophéties
Une trouble lueur dans les nuits épaissies,
Et que rien ne fut sûr, infrangible et réel
De ce qu’Adonaï bâtit en Israël ? —

Et la lugubre voix se tut, comme agonise
Le suprême sanglot d’un mourant. Et la bise
Chassait encor la neige, et comme d’un linceul,
Sur le bord du sentier vêtait le triste aïeul,
Quand soudain, se dressant auprès de lui, sa fille
En frémissant parla dans l’ombre. Son œil brille
De cette vacillante et fragile clarté
Que mire un astre pâle en un lac agité.
Hadassa, rejetant ses cheveux noirs, élève
Ses bras libres de fers, dans un geste de rêve,
Vers le Ciel infaillible où son Dieu vit toujours,
Et ressuscitant l’âme et l’orgueil des vieux jours,
Comme une prophétesse elle voit sur la cime
Blanchir l’aube certaine et le matin sublime,
Et fait devant Ziôn jaillir d’un chant altier
L’Espérance et la Foi d’un peuple tout entier :

— Salut, Jérusalem ! Ziôn, ruine auguste,
Ton, heure fut marquée et ta perte fut juste.
Le vivace péché, comme un arbre mauvais,
Ombrageait le chemin, Peuple, que tu suivais.