Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/250

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Qui, les harpes en main, debout dans la hauteur,
Entonnèrent encore un chant libérateur,
Puis aux derniers accents de l’hymne liturgique
Plongèrent d’un seul bond dans le brasier tragique.

Maintenant tout s’écroule et tout est accompli.
Dans l’abîme sanglant le Temple enseveli
Témoigne, ô Dieu très fort, que tes Voyants mentirent.
Dans les creuses parois les hiboux se retirent ;
Le porc sur les débris se vautre, et le chacal
Sort, lorsque vient le soir, des restes de l’Êkal.
Jérusalem, où sont tes schabbaths et tes fêtes,
Ton autel, tes rouleaux, tes lois et tes Prophètes ?
Quelle oreille a gardé le Serment éternel ?
Lambeaux livrés au feu du Pacte solennel,
Quel œil désespéré n’a de larmes amères
Taché le papyrus des livres éphémères ?
O Temple, où donc es-tu ? Jérusalem, ô toi,
Coteau de l’Alliance où mûrissait la Loi,
Quel vendangeur nocturne a vendangé tes grappes ?
Tu te lèves, Seigneur ! Adonaï, tu frappes :
Et le désert s’étale où ton peuple périt.
Triomphe ! Et cependant n’était-il pas écrit
Que tu fondas ici l’immuable Demeure
Sur l’immuable roc que nul péril n’effleure,
Et que nul bras, nul flot, nul orage et nul feu
Ne prévaudraient jamais sur la Maison de Dieu ?

Et moi, si quelque jour, railleur et sacrilège,