Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/53

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Sphinès, connue un dormeur s’éveillant en sursaut,
Semble croître et planer dans l’air qui s’illumine.
Les bras levés aux cieux pour bénir, il domine
L’armée étincelante et le peuple attentif.
Son œil s’éclaire et luit du rayon primitif
Et son corps, épuisé par le jeûne ascétique,
Refleurit au baiser de la jeunesse antique.
Il parle, il te salue, aube du dernier jour !
Trompeuses visions qui fuyez tour à tour,
Illusoires clartés des mornes espérances,
Le Brahmane expirant jette à vos apparences
L’irrévocable adieu du sage délivré.
Et tandis que la mort blanchit son front sacré,
Tandis que sur sa bouche une suprême haleine
Excite encor le bruit de la parole humaine,
Les abeilles des Dieux, dans leur vol diligent,
Comme au cœur embaumé d’un nymphæa d’argent,
Recueillant le miel pur de ses lèvres décloses,
L’emportaient vers l’abîme et le néant des choses.

Et la voix du vieillard montait pieusement
De la terre oubliée au divin firmament :

— Contemplez Kalanos, hommes du sol Hellène,
Hommes des grands pays qu’Alexandre foula,
Voici le Pénitent qui déserta la plaine,
Le Pénitent vieilli venu de Taxila.
Le poids d’un siècle entier m’accable. Voici l’heure