Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/110

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par cette soif de souffrance et de renoncement qui est peut-être ce qu’il y a de plus étrange et en même temps de meilleur dans l’humanité, mais aussi, les uns par le désir secret d’échapper aux enrôlements, les autres par l’espoir d’une protection efficace, qui leur assurerait au moins l’existence journalière, hommes et femmes se ruèrent vers les solitudes. Les monastères débordent ; chaque caverne sert de cellule à un anachorète. Une armée monacale est bientôt prête à se lever au premier signal et à purger la face de la terre des abominations qui la souillent. Elle n’y manquera pas, hélas ! Des villes entières s’écrouleront avec leurs trésors et leurs bibliothèques dans les flammes allumées par les cénobites ; des évêques ; des conciles soumettront leurs décrets aux chefs de ces bandes fanatiques ; le paganisme sera traqué de toute part et la pure et sainte Hypatie, déchirée par les moines de Cyrille, rendra à ses Dieux un suprême témoignage et tombera sur leur dernier autel.

Le Christianisme, orthodoxe ou hérétique, qui minait la civilisation païenne, poursuivait malgré tout ses conquêtes et domptait les hordes envahissantes. Le monde ne fut vraiment chrétien que lorsqu’il fui devenu barbare.

Siècles stériles et misérables qui n’entendent plus les grandes voix des Origène et des Athanase, des Grégoire de Nazianze et des Chrysostome, mais que charment les interminables discussions théologiques et les récits des hagiographes et des chroniqueurs ecclésiastiques ! La Poésie existe-t-elle encore ? Hélas ! les Poètes ne sont-ils pas Claudien et Paulin de Noie, Mérobaude et Prudence, Sidoine Apollinaire et Synésios ? Siècles infâmes et sanglants ,