Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/109

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vertu, il ne reste qu’un nom maudit et qu’une mémoire exécrée. Le Galiléen avait vaincu !

La tentative de Julien avorta parce que lui-même ne fut pas le large et libre esprit qu’il eût fallu. Mystique, dévot surtout, la religion qu’il voulut donner au monde n’était pas l’antique religion de la Beauté. Adorer une divinité inconnue sous le nom de Dieu ou sous celui de Parfait importait peu ; les âmes ne s’y trompèrent pas et demeurèrent indifférentes. Le culte du Beau eut-il pu régénérer le triste et chancelant univers ? Peut-être. La thaumaturgie et la mathématique étaient en tout cas impuissantes.

Oui, le Galiléen avait vaincu. Mais ce qui fut l’Empire allait s’écrouler lentement dans la fange et le sang. Les mœurs anciennes sont définitivement abolies, les statues divines souillées et brisées. Jamais le monde ne connut de plus sombres siècles. Des frontières débordées monte le cri de l’angoisse universelle. Les Goths, les Huns, les Vandales, sont aux portes de Constantinople et d’Athènes ; Rome elle-même succombe. Et dans le grand silence qui suit la marche des Alaric et des Attila, il ne s’élève plus que des imprécations chrétiennes qui excitent la justice de Dieu et se réjouissent du châtiment des impies.

Les invasions subites, les villes saccagées, les campagnes dépouillées de leurs moissons, les dénonciations, l’avidité du fisc aux abois, tout contribuait à rendre la vie bien dure et bien incertaine ; sans cesse la pudeur des vierges redoutait la violence barbare. fuir ? Quel refuge restait ouvert un peu de paix et de sécurité semblât encore possible ? Poussés sans doute par une foi sincère, consumés