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LES SIÈCLES MORTS


Si, fils de la Sagesse et couronné par elle,
Un Auguste régna qui fut vraiment divin ;
Si l’Empire un instant comprit, ô Marc-Aurèle !
Que tout, sauf le Devoir, était fragile et vain :

Sois bénie, ô Nature, ô Puissance infinie,
Qui, réalisant l’être en ton sein radieux,
Unis dans le plus noble et le plus pur génie
La sainteté de l’homme à la bonté des Dieux !

Salut ! toi qui, dans l’ordre et la morale austère
Du mal universel cherchant la guérison,
Tout-puissant Empereur et Maître de la terre,
Courbas ton cœur stoïque au joug de la Raison !

Marc-Aurèle, salut ! La fleur de ta pensée,
La fleur de l’Ame antique embaume encor les temps.
La gloire des héros, par ta gloire effacée,
Semble un sillage obscur sur des flots inconstants.

Q’importent à la brève et dédaigneuse Histoire
Les noms des guerriers morts sur l’amas des cités ?
Qu’importe le laurier ? La force et la victoire
Montrent toujours aux cieux des bras ensanglantés.

Soldat ! la rouille est prompte à dévorer un glaive ;
Conquérant ! chaque étape est un pas vers l’oubli ;
Une stèle est dressée, un arc pompeux s’élève,
Un siècle passe et l’herbe a tout enseveli.