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DIVO MARCO ÆLIO AURELIO ANTONINO


Mais celui qui, domptant la chair, méprise et brave
La volupté rapide et le désir pervers,
Qui, des suprêmes lois fidèle et libre esclave,
Mêle une âme soumise au divin univers ;

Celui qui, soulevant les plis de la matière,
Voit sous l’étroit linceul le squelette blanchir
Et, vers l’Incorruptible ouvrant une aile altière,
Tend vers les Dieux un cœur ardent à s’affranchir :

Celui-là, triomphant dans un combat sublime,
Seul vainqueur de soi-même et du monde agité,
Confie aux temps futurs son grand nom et l’imprime
Sur les tables d’airain de l’immortalité.

Tel, plus vivant toujours, plus vénérable encore,
De la Cité sereine immortel citoyen,
Tu règnes ! Ta pensée en un reflet d’aurore
Semble glisser vers nous de la cime du Bien.

Marc-Aurèle ! vêtu de la pourpre acceptée,
Toi seul stoïquement ne consentis à voir
Dans la Fortune d’or à ton chevet portée
Qu’un plus solide appui vers un plus haut devoir.

Devoir, joug glorieux, saint fardeau que dispense
La grave Destinée à chacun des mortels,
Allégé par l’espoir, plus beau sans récompense,
Plus vraiment adoré quand il n’a point d’autels !