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LES SIÈCLES MORTS

Comme des flots de lave aux pentes des volcans,
Qui par vagues, par bonds et par jets suffocants
S’élance, tourbillonne, atteint les pieds du trône
Où, dans un flamboiement louche, sinistre et jaune,
Siège, sombre et pensif, le Roi du vieil enfer.

Ô ciel qui te mirais aux yeux de Lucifer,
Soleils qu’il a guidés, étoiles fraternelles
Qui plus distinctement brilliez dans ses prunelles,
Primitives clartés, splendeurs des astres d’or,
En son regard terni vous palpitiez encor !
Sur son front lapidé la nuit à peine efface
L’éternel Infini, contemplé face à face.
Et le Vaincu superbe et toujours indompté
Garde en son cœur amer l’orgueil d’avoir été
Le plus pur des Esprits et le plus beau des Anges.
Ce n’est plus le guerrier, chef sacré des Phalanges,
Foulant l’azur natal du ciel illuminé,
Mais le Rebelle ancien, le grand découronné,
Satan, qui, surgissant et secouant encore
Le flambeau qu’il portait devant l’antique aurore,
Excite au choc suprême un peuple de démons.

Tombés des premiers cieux, tels que du haut des monts
Les cèdres entraînés par le torrent des neiges,
Ceux qui, beaux comme lui, comme lui sacrilèges,
Ont roulé de l’azur et l’ont pleuré trop tard,
Tous les fils de Satan sont armés. L’étendard
De l’enfer, au combat livrant ses plis de flamme,