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DIVO MARCO ÆLIO AURELIO ANTONINO


L’Empire, violant la paix où tu reposes,
Peut t’évoquer encore en ses derniers hasards
Et, troublant ton sommeil d’un bruit d’apothéoses,
Consacrer ta statue au temple des Césars ;

La triste humanité, veuve du rêve antique,
Peut vouer sa vieillesse à des cultes impurs
Et chercher désormais, sanglante et frénétique,
Une ivresse étrangère au sein des Dieux obscurs ;

Les temps sont clos ! Troublés, cédant à la fortune,
À l’appel du Devoir les cœurs ont hésité,
Comme un lâche troupeau de soldats qu’importune
Le signal du combat par les buccins jeté.

Qu’importe ? Dispersés par l’ouragan des âges,
Mais puisant à ta source un immortel secours,
Sans relâche, humblement, ô Maître ! d’autres sages
Vers le sommet sacré s’efforceront toujours.

D’autres viendront encor tendre une lèvre avide
Au flot spirituel de l’antique vigueur
Et, lassés de l’espoir et déçus du ciel vide,
Dans la calme Nature anéantir leur cœur ;

Et toujours au Destin opposant leur poitrine,
Fermes et conscients, sachant qu’il faut souffrir
Et que l’angoisse humaine est la règle divine,
D’autres se lèveront pour lutter et mourir.