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LA DESCENTE AUX ENFERS

Voilà ce que j’ai vu. Le roseau dans la main,
Frères, je noircirai le muet parchemin ;
Car ma lèvre, au silence austère accoutumée,
À la parole humaine est maintenant fermée ;
Et le bruit oublié des mots est interdit
Au pâle revenant dont l’oreille entendit
Dans les bouches des morts le souffle de l’abîme.
Voilà ce que j’ai vu.


II



Voilà ce que j’ai vu. L’éternelle victime
Sous le rocher sacré dormait dans son linceul.
Silencieusement l’Ange qui veillait seul
Sur la funèbre dalle avait posé son glaive,
Lorsque, tel un flambeau qu’un bras secret élève,
Une lueur blanchit dans le sépulcre obscur.
De l’humide plafond, du sol rugueux, du mur,
Du sarcophage ouvert dont les parois saillirent,
Des rayons constellés et des traits d’or jaillirent.
Et je vis, tout sanglant, plus adorable et beau,
Jésus, dans la clarté, se lever du tombeau,
Rompre la bandelette et le lin mortuaire
Et dégager sa face auguste et du suaire
Faire un manteau de gloire et voler dans ses plis.