Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
24
LES SIÈCLES MORTS

De qui l’ombre étrangère éblouit mon royaume
Et vient de sa splendeur illuminer l’enfer,
Comme un soleil couchant qui plonge dans la mer ?
Est-ce toi, combattant de l’orgueilleuse lutte.
Qui, des sommets sacrés précipitant ma chute,
Armas du glaive d’or la main de Mikhaël ?
Persécuteur jaloux― du Rebelle éternel,
Ô toi dont mes rayons ont tressé l’auréole,
Captif dans mon avare et sombre nécropole »
Toi dont le sang, Jésus, ô morne délaissé,
Pleuvant du Golgotha, naguère a traversé
La terre et jusqu’ici roulé comme un déluge,
Te voici donc, semblable aux morts, devant ton juge,
Solitaire, impuissant, lâche, apportant l’aveu
Que la faiblesse humaine a triomphé d’un Dieu !
Souviens-toi du Jardin, souviens-toi du Prétoire,
Jésus ! et de la pourpre et du jonc dérisoire
Et des fouets irrités et des clous dans ta chair
Et du noir écriteau qui t’insultait dans l’air.
Car je centuplerai ton angoisse infinie :
Tes tempes ont sué la sueur d’agonie :
Une sueur de mort roidira tes cheveux ;
Des lanières de cuir t’ont déchiré : je veux
Que des serpents ignés mordent tes maigres côtes
Et que sur une croix, ceinte de flammes hautes,
Ta mort soit inutile en son éternité !

Et vous, ô défenseurs du premier révolté,
Levez-vous ! Ô démons, anges déchus, ministres