De qui l’ombre étrangère éblouit mon royaume
Et vient de sa splendeur illuminer l’enfer,
Comme un soleil couchant qui plonge dans la mer ?
Est-ce toi, combattant de l’orgueilleuse lutte.
Qui, des sommets sacrés précipitant ma chute,
Armas du glaive d’or la main de Mikhaël ?
Persécuteur jaloux― du Rebelle éternel,
Ô toi dont mes rayons ont tressé l’auréole,
Captif dans mon avare et sombre nécropole »
Toi dont le sang, Jésus, ô morne délaissé,
Pleuvant du Golgotha, naguère a traversé
La terre et jusqu’ici roulé comme un déluge,
Te voici donc, semblable aux morts, devant ton juge,
Solitaire, impuissant, lâche, apportant l’aveu
Que la faiblesse humaine a triomphé d’un Dieu !
Souviens-toi du Jardin, souviens-toi du Prétoire,
Jésus ! et de la pourpre et du jonc dérisoire
Et des fouets irrités et des clous dans ta chair
Et du noir écriteau qui t’insultait dans l’air.
Car je centuplerai ton angoisse infinie :
Tes tempes ont sué la sueur d’agonie :
Une sueur de mort roidira tes cheveux ;
Des lanières de cuir t’ont déchiré : je veux
Que des serpents ignés mordent tes maigres côtes
Et que sur une croix, ceinte de flammes hautes,
Ta mort soit inutile en son éternité !
Et vous, ô défenseurs du premier révolté,
Levez-vous ! Ô démons, anges déchus, ministres
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LES SIÈCLES MORTS