Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/159

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Toujours l’épave humaine aux vagues de la mer,
Et le vice éternel qui monte et nous submerge
Et le désir farouche à l’assaut de la chair !

Toi vers qui l’univers comme un astre converge,
Erôs, je te reviens ! Toi dont j’ai soupiré
Le nom fatal et doux dans mes songes de vierge.

Triomphe, triste Érôs ! Désert où j’ai pleuré,
Où, comme au grand soleil fond une blanche neige,
S’évapora la paix de mon rêve sacré,

Adieu ! La vertu ment et l’espoir est un piège.
J’ai lutté, supplié, souffert, et Dieu s’est tu ;
Et tout m’a fui, sinon le moine sacrilège.

O cadavre de l’homme à mes pieds abattu,
Sois maudit ! Sois maudite, illusion chrétienne !
Songe d’un cœur trompé, meurs, et maudit sois-tu ! —

Telle qu’une captive ayant brisé sa chaîne,
Lasse enfin du blasphème et du joug détesté,
Nymphodora bondit vers la cité lointaine.

Faim, soif, lions grondants, douteuse obscurité.
Rien n’arrête sa course éperdue et meurtrie
Vers l’horizon natal et vers la liberté.