Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/170

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Le plus laid, le plus rude et le plus endurci,
Qui trouble, au fond des bois, la paix du soir lunaire,
Celui qu’adore Hellas et que Mendès vénère,
Pan, le bouc infernal, sans relâche et plus haut
Poussait vers le gibet l’infatigable assaut.
Et Faunes, Ægipans, Satyres, tous ensemble
Ébranlaient de leurs poings l’arbre sublime où tremble
Le cadavre éternel du divin Rédempteur.
Et je le vis, hélas ! fléchir sur la hauteur ;
Et l’œil de mon esprit se referma dans l’ombre,
Croyant voir, sous l’effort de la horde sans nombre,
Ta croix, Jésus ! ta croix de salut et d’espoir,
Avec ton corps meurtri, pencher, se rompre et choir.

Et moi, la gorge sèche et les yeux pleins de larmes,
Solitaire et vaincu, comme un guerrier sans armes,
Dans l’impuissant effroi du rêve enseveli,
J’attendais, ô douleur ! que tout fût accompli,
Quand, ainsi l’aquilon chasse en passant la neige,
Un grand vent souleva le peuple sacrilège,
Le heurta pêle-mêle, aux lueurs des éclairs,
Et, par delà les monts, les fleuves, les déserts,
Roula les Dieux hagards jusqu’à la mer de Grèce.
Et le gouffre s’ouvrit et la mer vengeresse
Engloutit Pan lui-même avec ses fils velus,
Tandis que, déchirés aux rochers chevelus,
Leurs membres monstrueux ensanglantaient les rades.

Et voici qu’à l’entour des îles Ekhinades,