Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/181

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Ne sera qu’un matin pour ce qui doit finir,
Tant que la Mère auguste offrira sa mamelle,
Que le mâle, nerveux poursuivra la femelle,
Tant que, fils du désir fatal et ténébreux,
L’amour halètera dans les cœurs douloureux,
Que, plongeant dans la nuit sa prunelle obstinée,
Un homme, interrogeant l’aveugle Destinée,
Cherchera l’âme éparse au fond des vastes cieux,
Tant que dans ma splendeur évolueront les Dieux,
Bestial et sacré, Roi de l’aube future,
Pan unira sa gloire à ta gloire, ô Nature ! —

La grande voix se tut et nul n’y répondit.
L’Abbâ baissa les yeux et, muet, interdit,
Pleura, triste et honteux, comme un vieillard qui laisse
Le serpent du désir baver sur sa vieillesse.
Et les moines hagards, au long du sol prostrés,
Croyant baiser en cor les pavés consacrés,
Sous un souffle embaumé, d’un front involontaire
Heurtaient éperdument le sein noir de la Terre,
Aspiraient la chaleur qui sort de ses flancs bruns
Et d’une lèvre avide en buvaient les parfums.
Et rajeunis, ravis par la vive Nature,
Descellant leur cœur d’homme, enivré sous la bure
D’un effluve infini, voluptueux, païen,
Ils palpitaient d’amour et ne voyaient plus rien
Qu’un printemps débordant, plein de fleurs el d’arômes.
Où, de son vaste front armé crevant les dômes,
Écartant les parois de ses pieds effrénés,