Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/182

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Effondrant les remparts, rompant les murs minés,
Le Dieu perçait l’azur de sa tête cornue
Et démesurément grandissait dans la nue.

Et l’église, ruine altière encor, soudain
Sentit la sève errer, verdit comme un jardin
Et se mit à fleurir aux yeux des cénobites.
Sur les débris sacrés, sur les pierres bénites,
Des végétations croisaient leurs nœuds confus.
Des lianes tressaient sur la rondeur des fûts
Des colliers rutilants et de vertes ceintures ;
Et par les seuils disjoints, les trous et les fissures
Une vigne pourprée allongeait ses rameaux.
Deux palmiers frissonnaient sur les ambons jumeaux ;
L’autel avait pour drap des blés et des sésames,
Des ronces pour barrière, et les cierges pour flammes
Portaient des roses d’or et des lotos d’azur.
La croix de sycomore incrusté d’argent pur
Était un arbre immense où dans les noires branches
Pendaient de rouges fruits et des floraisons blanches.
Et toute la ruine, exhalant les senteurs
Des blancs acacias, des nymphæas flotteurs,
Toute vive d’oiseaux, d’abeilles nourricière,
Ainsi qu’une forêt moins sombre à sa lisière,
Ouvrait, élargissant l’écart des frondaisons,
Des brèches de clarté sur tous les horizons.

Voici la Terre Noire et le désert libyque
Où rôde en rugissant le lion famélique.