Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/188

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Toi qui n’entendras plus roucouler tes colombes
Ni le vent amoureux bercer tes citronniers,
Où des lits s’élevaient je creuserai des tombes,
Où flottaient des parfums j’ouvrirai des charniers.

Et ceux qui, sans relâche et consumés de fièvres,
A tes philtres aigus, à tes poisons subtils
Tendaient avidement d’insatiables lèvres,
Paphos, chère aux démons, Paphos, où seront-ils ?

Sur l’herbe vénéneuse étalant leurs chairs vertes,
Oubliés sans linceul, ils offriront enfin
Aux seuls baisers des vers leurs bouches découvertes
Et leurs cœurs en lambeaux aux vautours pleins de faim.

Et toi, qui, sur les bords charmés des mers de Grèce
Fantôme oriental par l’écume apporté,
Sur le monde ébloui qui te croyait déesse
Surgissais dans ta honte et dans ta nudité !

Joyeuse des péchés et propice aux débauches,
Aphrodite, aux cheveux souillés, aux larges seins,
Qui fais rougir les fronts immaculés et fauches
Comme des épis mûrs les Héros et les Saints,

Maîtresse de l’orgie et des plaisirs immondes.
Qui, t’embusquant le soir aux douteux carrefours,
Laisses flotter dans l’ombre et vaguer sur les mondes
Le rêve inassouvi des terrestres amours !