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LA DESCENTE AUX ENFERS

Et la troublante voix des profanes délires
Aux bibliques accents mêler ses bruits joyeux.

Enfermant dans la nuit divine de ses yeux
L’éternelle beauté de son rêve éphémère,
J’ai vu, seul devant tous, venir le grand Homère
Guidant, comme un aïeul, d’un geste surhumain,
Sa postérité sainte au lumineux chemin.

Ô chœur retentissant, chœur sacré des Poètes,
Cortège aux lèvres d’ombre assez longtemps muettes,
Mânes des vieux chanteurs, salut I Les jours sont nés
Où Christ rend l’auréole aux fronts découronnés.
Ô fraternel essor de l’ode et du cantique !
Union du Prophète et de l’Aède antique !
Témoins des anciens Dieux que vous aviez conçus,
Dans la paix et la gloire, adoptés par Jésus,
Salut ! Vengeur viril de la race trahie,
Eschyle s’illumine aux rayons d’Isaïe !
Et Sophocle ébloui, marchant à leur côté,
Voit la miséricorde et la sainte équité
De l’aveugle Destin briser l’informe glaive.
Aristophane ému jette son fouet, soulève
Son masque et, sous les traits amèrement railleurs,
À l’humaine pitié montre un visage en pleurs.
Lucrèce aperçoit Dieu dans la féconde argile
Et, penchant son laurier sur un berceau, Virgile,
Reconnaissant l’espoir d’un monde à son déclin,
Chante l’Enfant promis au siècle sibyllin.