Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/195

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Loin des libres sentiers, loin de la voie oblique,
Son troupeau broute en paix dans l’enclos catholique,
Tandis que le Pasteur, sondant d’un œil jaloux
Le désert et les monts d’où descendent les loups,
Plein de haine et d’ardeur, les guette et suit leurs pistes.
Païens, Juifs, Ariens, Dokètes, Donatistes
Qui, dans l’orgueil brutal d’un cœur rude et hautain,
Sont jusqu’en leurs tombeaux traqués par Augustin,
Nul n’échappe ; et la geôle est si profonde et sombre
Où l’Evêque enfouit ses victimes sans nombre
Que nui, laïque ou clerc, n’en est jamais sorti
Même absous, repentant et dûment converti.

Évagrius, lassé de grands et vains massacres,
Entouré ce jour-là de moines, de diacres,
Grave et la crosse en main, trône dans la prison.
Dans le noir caveau Hotte une acre exhalaison
De soufre, de sang frais et de chair consumée.
Et les torches, au mur noirci par la fumée,
D’une pourpre douteuse embrasent les parois
Où pendent fouets plombés, chaînes, carcans étroits,
Coutelas effilés, haches, ciseaux, tenailles
Et rouets de bois brut à tordre les entrailles.
Évagrius médite et murmure : — Il est bon
De voir la flamme bleue errer sur le charbon,
D’oüir claquer les dents, craquer les os, d’entendre
L’hérétique hurler et l’orgueilleux se rendre
Aux probantes raisons de nos bourreaux secrets.
Trancher le mal, sévir et tuer sans regrets,