Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il en feu,
Avant de succomber mordait encor l'épieu.
Tel, dans la solitude et l’ombre inviolable,
Le fer ou Tare en main, à mes frères semblable,
J’ai vécu, jusqu’à l’heure espérée où là-bas
Vibrèrent l’hymne antique et le chant des combats.
J’ai vu sur les grands chars plier les tentes vides
Et par les noirs ravins et les plaines livides,
Vers des champs plus féconds que dore un chaud soleil,
Rouler, rouler sans fin tout un peuple, pareil
Aux flots impétueux poussés par la tempête.
O clairs mugissements des trompes que répète
L’écho sonore ! ô chocs ! ô batailles ! assauts
Qui brisaient leur élan contre des murs plus hauts
Que le granit poli des sombres monts Riphées !
O fuites dans la nuit ! Brusques retours ! trophées
Dont la splendeur ornait mon seuil ensanglanté !
Quels orages, quels vents tragiques m’ont jeté
Des bords du Méotide aux lacs de Pannonie
Et sans trêve, au hasard, sur la terre infinie
Ont élargi mon vol de vautour ? J’ai foulé
Le Taurus et l’Olympe et l’Apennin pelé ;
J’ai vu Milan pleurer sa résistance vaine
Et, dans le marécage impur où gît Ravenne,
Blêmir, quand nous passions, des ombres de Césars.


HELLA.

Tais-toi ? Je te contemple avec des yeux hagards,
O Chef encor sanglant du sang des vieilles