Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/244

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lumineux,
C’était le monde entier qui palpitait en eux.
De la terre et des cieux universels symboles,
Les astres à leurs fronts prêtaient des auréoles.
Ils vivaient indécis, libres, légers, charmants ;
La matière éternelle et les vieux éléments
Semblaient s’épanouir dans leurs amours sans nombre ;
La Nuit ouvrait sa couche au Jour, vainqueur de l’Ombre.
Et l’Ombre était déesse et le Jour était dieu.
Dans leurs calmes regards se mirait le ciel bleu ;
La pensée infinie et les instincts difformes
Se heurtaient sourdement en leurs combats énormes,
Et l’aëde pieux écoutait dans leurs voix
Gémir la grande mer et soupirer les bois.
Et si parfois, fauchés par une mort tragique,
Les plus beaux s’endormaient dans l’hiver léthargique,
La Terre, mère et veuve, agonisante aussi,
D’un lugubre manteau couvrant son sein transi,
De glace et de brouillard voilait ses pâturages
Et du sang des Dieux morts aspergeait les feuillages.
Et l’homme, au deuil terrestre et symbolique uni,
Voyait du noir Hadès naître un Dieu rajeuni,
Une pourpre plus chaude ensanglanter les roses
Et la Vie, immortelle en ses métamorphoses,
S’enivrer du printemps et bouillonner toujours.


THÉOPHANÈS.

Mais en ces Dieux humains, souffrant de vos amours,
Ivres de vos désirs, formes vagues et brèves,