Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/247

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Que la terre âpre et nue et par eux embellie
A dressé des autels à la Mélancolie
Et que, loin de la foule et des temples épais,
Le sage, en liberté, dans l’extase et la paix,
N adore dans les Dieux que la beauté des mythes.


PHŒBION.

Il en est un pourtant. Les neiges sans limites
Gardent sa majesté sur un lointain sommet.
Il est un Dieu tombé que Phœbion admet.
Symbole impérieux de la vertu qui lutte,
Le Titan dont le Ciel précipita la chute,
Le grand Supplicié sur le rocher sanglant
A l’aigle inassouvi livre son vaste flanc.
En vain la griffe étreint sa chair persécutée,
Le bec déchire en vain le cœur de Prométhée :
Ni l’homme ni les Dieux n’ont entendu sortir
Un souffle de pardon des lèvres du Martyr.
Par les pieds et les mains cloué sur le roc sombre.
Il gît, seul, dédaigneux, infrangible, dans l’ombre,
L’immortel Bienfaiteur, farouche et méconnu.
Et le Géant qui souffre et dont nul n’est venu
Venger ou consoler l’éternelle agonie,
Le tragique Oublié qui se révolte et nie
La justice divine et la sainte équité,
Par la haine et l’effroi sans relâche insulté,
Aux lueurs des éclairs, là-bas, je le contemple
Comme l’image auguste et l’immuable exemple