Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/26

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La mer ne connaît plus les rapides sillages
Où derrière ta nef traînaient tes lourds filets ;
Et ton cher corps, meurtri parmi les coquillages,
De l’avide Melqarth orne les verts palais.

Regarde-moi ! reviens, Spectre, si tes prunelles,
Perçant le glauque toit des flots silencieux,
Reconnaissent encore aux plages maternelles
Ton épouse à genoux et les mains vers les cieux !

Et toi qui disparais dès que, naissante et pâle,
Du cap oriental l’aube fraîche émergeant
D’une vague lueur baigne la mer d’opale,
O Lune, ô bonne Isis, Reine au croissant d’argent !

Isis, Aphrodite, favorable aux épouses,
Et sous des noms divers indulgente à nos vœux,
Fais que je baise encor de mes lèvres jalouses
Du blême Doriôn les humides cheveux ! —

Ainsi vous entendiez, sables, rochers, abîme,
La voix de Zénonis, à l’heure où le soleil,
Vers l’occident pourpré guidant son char sublime,
Traînait sa robe d’or sur l’océan vermeil.

Et les jours ramenaient la fête coutumière
D’Isis navigatrice ouvrant aux noirs vaisseaux
Les ports enguirlandés et la mer printanière
Sous le céleste azur reflété par les eaux.