Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/262

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Et sous un joug de fer courbé vos faibles cous ?
Pourquoi, dans mon orgueil, à l’aurore exécrable,
Hélas ! ai-je effleuré le voile impénétrable
Et promené trop tôt aux murs de ma prison
La coupable lueur d’une vaine raison
Comme un flambeau fumeux dans une grotte obscure ?
Oh ! quel aigle a tendu plus haut son envergure ?
Quel aquilon sonore a plus profondément
Que mon rêve effréné, dans l’abîme écumant
Creusé les flots amers et tordu leurs spirales ?
Ai-je arrêté mon vol vers vos splendeurs astrales,
O cieux, où s’allumaient des mondes fraternels
Comme des clartés d’or sur de lointains autels ?
Cadavres de mes fils, ô morts, races dernières,
Pardonnez I Pardonnez, ô siècles, ô poussières,
Si l’Ancêtre est vivant, ne vous ayant légué
De l’aube primitive où son rêve a vogué
Qu’une illusion triste et jamais assouvie,
Qu’une terre inféconde où se flétrit la vie,
Qu’un impossible ciel peuplé de Dieux maudits !

Salut, ô souvenir des calmes paradis
Où l’âme en frémissant riait à la lumière !
Que la Terre était belle en sa verdeur première,
Comme une vierge heureuse offrant éperdument
Son sein mystérieux à son royal amant !
Quel matin printanier, né sur les cimes roses,
Vêtait de nacre et d’or la jeunesse des choses,
Éblouissait l’azur et, glissant du sommet,