Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et l’idole impassible après le dieu jaloux :
Où sont-ils ? Chiens maigris pourchassés par les loups,
Qu’êtes-vous devenus, spectres des Dieux sans cultes,
Des Dieux nés dans la pourpre et morts dans les insultes,
Qui, pullulant toujours et se reprocréant,
Aboutissaient au gouffre ouvert à leur néant ?

Maintenant je suis seul et seul encor j’avance,
Parmi les Dieux éteints traînant ma survivance.
Tout croule. Le soleil inutile a pâli
Et le rouge océan des siècles est rempli.
Du naufrage divin viennent les noirs pirates !
Le ciel a vu blêmir l’éclair des Érostrates ;
Les jours religieux sont clos, et tout s’est tu.
Chaque Dieu s’est couché sous son temple abattu
Dont nul adorateur, nul pontife et nul prêtre,
Quand, propice au secret, la nuit commence à naître,
N’ose d’un pied furtif effleurer l’abandon.
Tombé des poings sanglants, l’implacable brandon
N’excite plus la flamme aux quatre coins du monde.
Des antiques vivants voici la cendre immonde,
Et, dans les champs déserts des carnages sacrés,
O morts ! la nuit qui vient vous couvre par degrés.

Mais avant que la morne éternité ne verse
L’oubli des maux soufferts à la race perverse,
Avant que l’ouragan n’efface de tout lieu
L’ombre errante et le nom de ce qui fut un Dieu,
Avant que tout finisse, avant l’instant suprême,