Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/49

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Tel qu’un fauve altéré de subites luxures,
L’impudique Héros, arrachant en passant
De ses poings hasardeux les blondes chevelures,
Déchire de baisers aigus et de morsures
Les seins marmoréens, teints d’écume et de sang.

Émergeant brusquement de sa robe de soie,
Plus beau qu’une Vénus sortant du flot marin,
Élagabal, debout sous le ciel qui flamboie,
Dévoile au peuple immense et rugissant de joie
Sa nudité divine et son désir sans frein.

Et voici que là-haut sur la colline, veuve
Des graves Dieux de Rome et des cultes défunts,
Du temple, éblouissant dans sa majesté neuve,
Du temple d’or s’épanche en bouillonnant un fleuve
D’huile rare, de vin, de sang et de parfums.

Les prêtres, saluant de leurs clameurs sans nombre
La monstrueuse orgie et le Danseur lascif,
Ont de mille taureaux versé la pourpre sombre :
Et l’effréné cortège au parvis qu’il encombre
S’engouffre en un assaut suprême et convulsif.

Tout disparaît. Au fond des géantes enceintes
Les mobiles splendeurs pâlissent tour à tour ;
Tout se confond et roule en d’obscures étreintes ;
Et des rugissements mêlés aux voix éteintes
Monte un vent furieux de délire et d’amour.