Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/88

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Il arrachait jadis, pâtre, un trop vieux bélier.
Domnus montre en hurlant de rouges alvéoles,
Car, tout usurpateur étant cher aux idoles,
Maxence avec des clous lui fit sauter les dents.
Paul, dont la chair grilla sur des charbons ardents,
Etale un dos rayé comme la peau d’un tigre.
Nébozard, qui, jeté demi-mort dans le Tigre,
Resta trois jours entiers caché dans les roseaux,
Est perclus. L’un, en proie au bec des noirs oiseaux,
Hausse un visage glabre et percé comme un crible ;
L’un tend un col tordu ; l’autre une face horrible,
Où du nez consumé saigne le trou béant ;
Et celui-là, barbu, fauve, velu, géant,
La mâchoire en lambeaux, sans langue, sans oreilles.
Arbore atrocement parmi les plus vermeilles
Les blessures, ô Christ ! de tes sacrés combats.

Et dans l’aire envahie, autour du trône, en bas,
Tous les anciens martyrs, mêlant leurs cicatrices,
Ébranlent le palais de voix accusatrices,
Agitent des moignons sanglants, des bras roidis,
Excitent la torpeur des Pères engourdis
Et les tirent, tremblants, par leurs barbes hirsutes.
Et du tumulte obscur et du fracas des luttes
Une immense clameur jaillit éperdument :

— Christ ! nous avons souffert ! Christ ! notre sang fumant
A témoigné pour Toi plus haut que la parole.
Christ, en qui nous croyons, Christ, un nouveau symbole