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pierres fines de la couronne qui le surmontait volèrent à terre ; l’épée entama le casque et la coiffe de mailles au-dessous et entra profondément dans la cervelle. Le païen fut renversé sur le cou de son cheval et la pesanteur de son armure l’empêcha de se relever. Alors Guillaume, jetant loin de lui son écu, prit son épée des deux mains et se mit à porter des coups furieux sur l’endroit où le heaume était attaché au haubert. La tête avec le casque vola à quatre pas ; le corps chancela un instant et tomba à terre.

Le comte Guillaume, profitant de sa victoire, voulut enlever à son ennemi terrassé l’épée dont celui-ci lui avait tranché le nez ; mais il ne put la ceindre, puisqu’elle était de beaucoup trop longue. Alors il s’empara de son cheval et après avoir raccourci les étriers d’un pied et demi, il se mit en selle, en se disant que, pour tout l’or de Montpellier, il ne cèderait pas le bon cheval qu’il avait gagné avec l’aide de Dieu.

Il reprit au galop le chemin de Rome. Le Pape vint à sa rencontre, et aussitôt qu’on eut délacé son heaume, son neveu Bertrand se jeta à son cou en pleurant, et après lui Guibelin et Gautier, qui jamais de leur vie n’avaient passé par de telles angoisses.

— Mon oncle, dit Bertrand, êtes-vous sain et sauf ?

— Oui, Dieu merci, répondit-il ; il n’y a que mon nez qui est un peu raccourci, et j’ai peur qu’il ne soit jamais rallongé.

Puis se baptisant lui-même en riant, il ajouta :

— Désormais, que tous ceux qui m’aiment et m’estiment m’appellent le comte Guillaume au court nez.

Ce nom lui resta.

Cette nuit on fêta le noble chevalier ; et le lendemain, dès le point du jour, on se remit à causer d’affaires plus graves.

— Puisque mon oncle a vaincu leur plus fort guerrier et le plus redouté de tous, dit Bertrand, nous pouvons bien