Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xiii

ble la supposition que la chanson de la Prise d’Orange repose sur une tradition provençale racontant les hauts faits du comte Guillaume I ?

La branche du Vœu de Vivian se rattache trop intimement à la chanson de la Bataille d’Aleschant pour l’en séparer ici ; et il faut ajouter que la branche que nous avons intitulée Renouard, n’est pas séparée, dans les manuscrits, de celle qui précède.

Cette chanson de la Bataille d’Aleschant repose sur des traditions fort anciennes.

En 787 Charlemagne nomma duc d’Aquitaine un personnage que l’Astronome Limousin, auteur quasi-contemporain, nomme simplement Guillaume. Par ses vertus et son caractère il sut mériter la confiance de son souverain, qui le plaça à un poste dangereux.

En 793 l’Émir de Cordoue Hesham fit une invasion en France à la tête d’une armée formidable. Charlemagne faisait la guerre sur les bords du Danube ; son fils Louis était en Italie avec les meilleures troupes du Midi. Aux approches des Sarrasins les habitants des plaines s’enfuirent : les ennemis se dirigèrent sur Narbonne où ils mirent le feu aux faubourgs, et se portèrent ensuite du côté de Carcassonne. Cependant le duc d’Aquitaine Guillaume avait fait un appel aux comtes et aux seigneurs du pays. De toute part les Chrétiens en état de porter les armes accoururent se ranger sous son étendard. Les deux armées en vinrent aux mains sur les bords de la rivière d’Orbieu, au lieu nommé Villedaigne, entre Carcassonne et Narbonne. L’action fut extrêmement vive. Guillaume attaqua le premier les infidèles, qui soutinrent le choc avec beaucoup de valeur et repoussèrent les Franks. Ceux-ci se défendirent pendant quelque temps ; mais ils furent enfin taillés en pièces et leurs chefs obligés de prendre la fuite. Guillaume fut le seul qui tint ferme ; quoique abandonné des comtes et de presque toutes ses troupes, il soutint tous les efforts des infidèles et abattit à ses pieds un de leurs chefs. Le duc fit dans cette occasion des prodiges de valeur ; mais accablé par le nombre et se trouvant presque seul au milieu des ennemis, il se retira heureusement avec ce qui lui restait de troupes, après avoir fait acheter bien chèrement aux Sarrasins le champ de bataille dont ils demeurèrent les maîtres.

De leur côté, les infidèles, qui avaient perdu un de leurs chefs, n’osèrent pas pénétrer plus avant, et contents du riche butin qu’ils avaient fait, ils retournèrent en Espagne, où ils furent reçus comme en triomphe.