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— Sire, fit l’autre, malheur à vous si vous ne me croyez pas ! C’est bien là ce Guillaume qui me tint en sa prison et qui m’aurait fait pendre, si Mahomet ne fût venu à mon secours. Enfin le jour de la vengeance est arrivé !

Or voici ce que fit le traître. Il alla décrocher une cotte de mailles dorée et en asséna un grand coup sur le front du comte. Le frottement enleva une partie de l’enduit qui le rendait méconnaissable et l’on vit bien qu’il avait la peau aussi blanche que la fleur des prés.

Guillaume devint blême de fureur. Il s’écria :

— Dieu, dont le salut du monde dépend, qui daignas te cacher dans les flancs de la Vierge et souffrir, le martyre de la croix pour sauver le genre humain, préserve-moi de la mort et ne permets point à ces Sarrasins de nous tuer !

Lorsqu’Arragon entendit ces paroles et sut à quoi s’en tenir sur les trois compagnons, il s’avança vers eux et dit :

— Sire Guillaume, vous êtes découvert. Par Mahomet ! c’est pour votre malheur que vous avez passé le Rhône.

Tous trois vous mourrez, et vos cendres et vos os seront dispersés au quatre vents. Pour ce donjon tout plein d’or fin, je ne laisserais de vous brûler vifs.

À ces paroles Guillaume, qui aurait voulu être à Rheims ou à Laon, devint tout rouge et Guibelin se tordit les mains et s’arracha les cheveux en se voyant découvert.

Après avoir de nouveau invoqué l’assistance de Dieu, il saisit à deux mains son grand et gros bourdon et en donna un coup si formidable au traitre Salatré, qui les avait dénoncés au roi Arragon, qu’il fit jaillir sa cervelle jusqu’au plafond.

Gilbert de son côté se jeta sur Quarré et lui bouta son bourdon dans le ventre de manière à le percer de part en outre. Quand il le vit tomber mort à ses pieds, il s’écria :

— Monjoie ! barons, en avant et frappez ! Puisqu’il nous faudra mourir, vendons cher notre vie, tant qu’elle dure.