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Ivre de rage, Arragon cria aux siens :

— Barons, rendez-vous maîtres d’eux ! Par Mahomet ! il est temps qu’ils soient punis ; jetons-les dans le Rhône ou brûlons-les afin de disperser leurs cendres à tous les vents.

— Commencez donc par moi, leur dit Guibelin. Mais par l’apôtre qu’on invoque à Rome ! avant que vous m’ayez, vous le paierez cher.

Et il fait tourner autour de sa tête son bâton d’une manière formidable. Ses compagnons font de même. Ils donnent de si grands coups que bientôt quatorze Turcs gisent morts : les autres, remplis de terreur, sont refoulés hors des portes de la tour. Alors les vainqueurs poussèrent les verrous et levèrent le pont avec ses grandes chaînes.

Le combat n’en resta cependant pas là. Les Sarrasins furieux les attaquent en grand nombre ; ils lancent vers la tour leurs épieux et décochent sur les défenseurs leurs flèches aiguës. Ceux-ci se défendent en vaillants chevaliers et renversent les mécréants dans les fossés, où, pour le moins, ils se cassent le cou.

Quand Arragon vit cela, il devint presque fou de douleur et de colère. Il voulut se persuader que tout ce qu’il voyait n’était qu’une illusion, et s’adressant à la tour, il cria de sa voix la plus grosse :

— Es-tu bien là-haut, Guillaume Bras-de-fer ? Et le comte lui répondit :

— Certainement, j’y suis ; par notre valeur et avec l’aide de Dieu nous y sommes entrés. Pourquoi vous cacher plus longtemps mon nom ? Je suis venu ici pour vous espionner et j’ai réussi si bien, que je vous ai mis à la porte de Gloriette. Tout ce que vous pourrez faire, c’est de monter la garde devant cette tour, comme le berger garde son troupeau. Gardez-la bien, et vous en serez dignement récompensés.

Le courroux d’Arragon devint de la rage.

— Aux armes ! mes chevaliers, cria-t-il. À l’assaut, à