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IV.


Le message de Girard.


Il alla tout d’un trait jusqu’à Orange. En entrant dans la ville, il la trouva pleine de vie et de mouvement. Aux fenêtres et dans les rues il vit mainte dame et mainte pucelle. Les hommes travaillent ou s’amusent : ici des selliers font des selles dorées, là des armuriers forgent des fers de lance ; plus loin ce sont des chasseurs, l’épervier au poing, ou des chevaliers qui jouent aux échecs et aux dés, d’autres qui dansent ou jouent de la vielle. Guillaume lui-même était en train de jouer avec son neveu Bertrand.

Tout le monde se mit à regarder Girard en disant :

— Sachons quelles nouvelles il apporte. On voit bien que ce Sarrasin a eu affaire à des gens de guerre ; son heaume est tout bossué, le cercle de fer qui l’entoure, est coupé ; c’est à peine s’il se soutient en selle. Viendrait-il pour enlever Guibor ?

Girard marche, sans s’arrêter, jusqu’au marché. Devant le château, sous l’ombre d’un olivier, il vit Bertrand jouant aux échecs avec le comte Guillaume, qui venait de lui gagner une mule et un cheval. Le comte, tout en arrangeant son jeu, leva les yeux et vit Girard qui s’avançait vers lui. Il dit à Bertrand :

— Tenez-vous un peu à l’écart, car voici un chevalier qui nous arrive, et par la sainte Vierge ! il paraît bien triste et bien fatigué ; il sort d’un combat mortel. C’est un Sarrasin, cela se voit à son armure. J’ai peur qu’il ne nous apporte de mauvaises nouvelles de Vivian, qui depuis longtemps fait la guerre aux païens. Cette nuit j’ai rêvé que je le voyais revenir, tout en courroux et tout en pleurs ;