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sur ses pas au galop, les larmes aux yeux. Il n’avait pas fait beaucoup de chemin, lorsqu’en montant une hauteur, il fit la rencontre de quinze maraudeurs de l’armée sarrasine.

— Arrêtez, cavalier, lui cria-t-on. Vous ne porterez pas plus longtemps ces armes.

— Jamais je n’ai entendu pareille chose, répliqua Guichardet. Je regretterais fort de vous les laisser ; je veux être damné si vous les aurez, tant que je pourrai me défendre.

Il joue de l’éperon et attaque si vivement le chef qu’il lui met deux pieds de son gros épieu dans le corps et l’abat roide mort. Ensuite il passe sa lance dans le corps d’un second, qu’il tue aussi. Mais la lance vole en éclats, et ses adversaires veulent en profiter pour l’abattre, lorsque le jeune chevalier tire son épée et en coupe la tête à un troisième. En même temps il passe outre au grand galop. L’ennemi lance ses javelots après lui, dont quatre entrent dans son écu ; mais il plut à Dieu de ne pas permettre qu’il fût blessé.

Il courut aussi vite qu’il put, jusqu’à ce qu’enfin il atteignit l’armée en marche. Le comte Guillaume qui l’avait bientôt remarqué, dit à son neveu Bertrand :

— Regardez ce chevalier tout armé qui s’avance vers nous ; il paraît qu’il sort d’un combat, car je vois plusieurs dards fichés en son écu. Je suppose que c’est à moi qu’il veut parler.

Puis allant à la rencontre de l’étranger, il lui cria :

— Chevalier, répondez-moi : qui êtes-vous, qui marchez sur nos traces ?

— Comment, mon oncle, vous ne me reconnaissez pas ? Je suis Guichardet. Guibor m’a fait donner des armes ; je viens vous aider à délivrer mon frère.

Guillaume l’embrassa et lui permit de l’accompagner.

En approchant de l’armée ennemie, le comte fit sonner tous ses cors afin d’épouvanter les Sarrasins et de donner du cœur à Vivian. Mais les ennemis sont en trop grand nombre