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de la position difficile où se trouve sa mère, revient à la tête d’une armée, défait Thibaut et le force à s’embarquer pour l’Afrique.

Orable cependant est devenue amoureuse du jeune guerrier qui avait juré de venir l’enlever à l’émir ; mais elle se trouve enfermée dans Orange ; tandis que les événements politiques rappellent Guillaume dans le Nord. Enfin, dans une scène magnifiquement décrite, Guillaume force le roi à l’investir du fief d’Espagne, ce qu’il fait sous condition que le bénéficiaire s’en rendra maître. Celui-ci accepte : par stratagème il s’introduit dans la forte cité de Nîmes ; ensuite, par un coup non moins hardi, il se met en possession du château d’Orange et épouse sa maîtresse, qui se fait préalablement baptiser et reçoit le nom de Guibour.

Mais les Musulmans ne le laissent pas dans la jouissance paisible de sa conquête : pour venger les échecs précédents et dans l’espoir de reconquérir Orange et de punir Orable et son ravisseur, une armée formidable se jette sur la France, après que Vivian, neveu de Guillaume, a poussé l’ennemi à bout en mutilant sans merci quelques centaines de prisonniers. Un combat furieux, une vraie bataille, s’engage dans la plaine de l’Aliscamp d’Arles. Guillaume vole à la rescousse de son neveu, qu’il trouve expirant. Lui-même, après avoir vu tomber tous ses compagnons autour de lui, parvient à peine à se sauver, et regagne Orange à force d’héroïsme. Mais comme l’armée sarrasine ne tarde pas à mettre le siége devant ce refuge, il en sort clandestinement et va chercher secours près du roi de France à Laon. Le roi Louis a succédé à son père, et c’est à Guillaume qu’il doit la couronne, dont un redoutable parti avait voulu le priver. Cependant il hésite à payer le tribut de reconnaissance à son défenseur, et ce n’est qu’après une scène très-vive que Guillaume le détermine à lui accorder ce qu’il désire. Une armée nombreuse est bientôt sur pied ; les infidèles sont battus, et Guillaume rentre dans la possession de son domaine conquis.

Nous le demandons avec confiance, n’y a-t-il pas là le canevas d’une vraie épopée ? Le savant Hegel a dit avec raison : „Les idées, les sentiments, tout ce qui constitue l’essence d’un peuple, exprimés dans la forme qui leur est propre et naturelle, et présentés comme un événement historique, voilà le sujet et la forme de la poésie épique.” Or le poëme de Guillaume d’Orange ne répond-il pas à cette définition ?

Dans cette peinture épique il faut nécessairement un point central. Ce centre c’est l’action individuelle d’un personnage éminent.