tant que nous sommes vivants. Moi je ne survivrai pas à ce jour ; mais vous, tâchez de vous sauver. Il ne me reste qu’à mourir ; mais en attendant, attaquons les Sarrasins.
Ils se remirent à frapper ; et ils coupèrent tant de bras et de têtes, brisèrent tant de crânes, que les païens n’osèrent pas se battre corps à corps. De loin ils leur lancent des javelots. Ils tuent le cheval de Bertrand sous lui, et plus de cinquante coururent pour le saisir. Mais Vivian le tira de leurs mains ; il les repoussa en arrière et saisissant un bon cheval, dont il avait culbuté le cavalier, il le présenta à Bertrand, en lui disant :
— Tâchez de vous sauver. Vous voyez tout le pays couvert de Sarrasins ; si à chaque coup nous en faisions mourir cent, il nous faudrait un mois avant de les tuer tous. Que Dieu les maudisse ! Hélas ! pourquoi ne vois-je pas venir mon oncle, que les Sarrasins n’ont jamais aimé ! S’il est tué, nous n’avons qu’à mourir, puisqu’alors il n’y a personne qui puisse nous dégager, sauf Dieu le tout-puissant.
Quand Bertrand l’entendit, il soupira et ne put retenir ses larmes.
— Je ne vous laisserai pas ici, cousin Vivian, lui dit-il ; si je prends la fuite, que la honte me suive partout.
— Vous ne l’aurez pas méritée, dit Vivian. Allez chercher mon oncle au milieu du carnage où il combat, et suppliez-le de venir me secourir.
— Je n’en ferai rien, dit le vaillant Bertrand ; aussi longtemps que mon poing peut tenir une épée, je vous soutiendrai contre ces mécréants.
Alors tous les deux ils se mettent à frapper de plus belle sur l’ennemi. Bientôt voici quatre comtes de leurs amis et parents, arrivant au galop en criant leurs devises ; c’étaient le preux Guichart, Gaudin-le-brun, Hugue de Melan, et Girard de Commarchis. Le combat devint plus acharné. Tous ces comtes qui venaient à leur aide, faisaient des prouesses ; mais Vivian était le plus hardi de tous.