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comprit, comme s’il eût été doué d’entendement humain. Il secoue la tête et frappe du pied ; il reprend haleine et recouvre ses forces ; le cœur lui revient et il est tout à fait remis. Il se met à hennir, comme s’il sortait fraîchement de l’écurie et qu’il vînt d’être ferré.

Lorsque Guillaume s’en aperçut, il fut plus content qu’il ne l’eût été pour quatorze cités qu’on lui eût données. Aussitôt il s’élança dans la direction d’Orange. Mais une troupe nombreuse se met à sa poursuite et lui coupe le chemin. Le comte est obligé de retourner du côté de l’Archant, poursuivi par l’ennemi poussant de grands cris.

— Mon Dieu ! soupira le comte, toi qui naquis de la Vierge et te laissas crucifier, toi qui brisas les portes de l’enfer et en délivras ceux que tu destinais aux joies du paradis, viens en aide à ton vassal ! Laisse-moi revoir la fidèle Guibor, l’empereur Louis et tous les miens, et je te jure, qu’une fois sauvé, avant le jour de Noël, j’aurai livré à cette race maudite une bataille plus formidable que celle de Roncevaux.

Il reprend le chemin du champ de bataille. Pas d’issue ! D’un côté l’ennemi, de l’autre la mer. Mais il aime mieux mourir de la main des Sarrasins d’Espagne, que d’être englouti par les vagues. Quand il voit l’ennemi s’approcher, il dit :

— Par la foi que j’ai jurée à ma bien-aimée Guibor, je préfère mourir que de ne pas frapper un dernier coup.

En avant des autres galopait Tolomas sur son bon cheval Machepère.

— Tu ne te sauveras pas, Guillaume, cria-t-il : tu mourras de ma lance.

Mais le comte se plaça de manière que son adversaire fût ébloui par le soleil, et l’attaquant avec impétuosité, il lui porta un tel coup que son armure ne le défendit pas plus qu’une feuille d’olivier ; il l’abattit et voulut se rendre