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maître de son cheval. Mais il en fut empêché par les nombreux ennemis, qui le lui arrachèrent des mains. Guillaume piqua des deux et les Sarrasins coururent après lui par la plaine sablonneuse. Les tourbillons de poussière soulevés par les chevaux le leur firent perdre de vue.

Le comte Guillaume avait un courage à toute épreuve, mais la sagesse lui conseillait de fuir. Selon lui, ce n’est pas une action honteuse que de se mettre à couvert ; un combat inégal a causé la mort de maint homme.

— Bien fou celui qui voit qu’il ne peut avoir le dessus et qui sent ses forces s’en aller, s’il reste pour recueillir cent coups contre un qu’il donne.

Ainsi pensait-il, et tout le monde sait qu’il a fait ses preuves. Jamais homme qui vive n’aurait pu soutenir les combats que le brave comte a livrés. Que de peines s’est-il données pour le service de Dieu et l’honneur de la religion chrétienne ! Il ne laissa pas un seul jour les païens en paix, et quand il en tenait un, il ne le faisait pas languir, mais le tuait de suite, sans jamais donner quartier. Aussi les Sarrasins ne l’aimaient-ils pas. Mais Dieu le protégeait, et à sa mort les anges porteront son âme en paradis.

Il s’éloigna toujours, et monta sur une hauteur, d’où il put voir que tout le pays était couvert de Sarrasins, et qu’il n’y avait pas d’issue où il n’eût été arrêté par mille cavaliers.

— Mon Dieu, fit le comte, jamais de ma vie je n’en vis tant ensemble. Que Dieu et la sainte Vierge prennent pitié de moi !

Il descend de son cheval baigné de sueur et lui frotte les flancs. Puis s’adressant à lui avec tendresse, il dit :

— Baucent, comment iras-tu plus loin ? Il n’est pas étonnant que tu sois à bout de forces après tant de fatigues. Si je te perds, je suis perdu moi-même.

Baucent entendit ces paroles et les comprit : il dressa