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lui avaient donné la chasse après qu’ils eurent fait prisonniers le comte Bertrand, Guibelin et le brave Guichart, Girard de Blaives, Gautier de Toulouse, Hunaut de Saintes et Foulque de Melan. Il termina son récit de cette manière :

— J’ai laissé Guibor à Orange, assiégée par une armée de mécréants. La ville ne tiendra pas longtemps faute de vivres ; c’est à cause de cela que j’étais venu ici pour demander du secours à Louis, ce lâche roi. Mais j’ai bien vu qu’il n’a pas de cœur. Il m’a laissé insulter à sa cour ; mais par l’apôtre saint Jacques ! avant de partir, je l’en punirai ainsi que ma sœur, cette mauvaise fille perdue.

À ces mots Louis se jeta en arrière ; il aurait bien voulu être à Hui ou à Dinant. Et les Français n’osèrent proférer une parole ; pas un seul ne se vanta de vouloir défendre son seigneur. Ils se disaient en chuchotant :

— Il n’y a que les démons qui puissent suffire à cette tâche. Jamais chevalier qui est allé là-bas, quelque vaillant qu’il fût, n’est retourné en France. Nous avons fait une folie en prenant parti pour Guillaume et ses prétentions orgueilleuses. Qu’il laisse là Orange, le diable puisse l’emporter ! et qu’on lui donne le Vermandois jusqu’au port de Wissant.

Mais personne n’osa élever la voix, et nul ne fut assez audacieux pour dire au roi un mot en sa faveur ; grands et petits restèrent muets.

Pendant que Bernard de Brebant pleure son fils Bertrand, et que Beuvon se lamente sur le sort de Girart, dame Hermengard se lève et leur dit de sa voix claire :

— Par Dieu ! Français, vous êtes tous des lâches. Aymeric, sire, pourquoi ton cœur tremble-t-il ? Beau fils-Guillaume, ne t’inquiète pas. Par l’apôtre saint Jacques ! j’ai un trésor si lourd que deux bœufs ne pourraient le traîner. Je le donnerai jusqu’au dernier besant aux soudards qui combattront pour toi. Et moi-même je chevaucherai au premier rang, le haubert au dos, le heaume lacé, l’écu au