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et les écus luisaient au soleil et les coursiers hennissaient sous leurs cavaliers. Elle fit sur eux le signe de la croix et les recommanda à Dieu.

L’armée marcha jusqu’au soir. On campa dans un verger ; bientôt les tentes furent dressées et après avoir soupé, tout le monde se coucha. Le comte Hernaut et sa troupe furent de garde cette nuit.

Avant l’aube on sonna à cheval ; les armures furent endossées, les heaumes lacés, les épées ceintes ; au point du jour on se mit en marche en rangs serrés et au son des trompettes.

Renouard dormait toujours dans sa baraque ; quand il s’éveilla, l’armée était déjà loin. Pendant qu’il court après elle, les soldats de Guillaume gravissent les hauteurs d’où ils aperçoivent la plaine d’Aleschant et toute la contrée environnante. Jusqu’à cinq lieues à la ronde, la terre était couverte de païens, dont la grande armée s’était concentrée là au grand effroi des chrétiens.

Lorsque Guillaume vit l’épouvante de son armée, il s’adressa à ses soldats :

— Vous voilà près de l’ennemi ; bientôt la bataille va commencer, elle sera sanglante, plus horrible qu’aucune précédente ; que celui qui a peur retourne en arrière, sans plus attendre, je lui permets de rentrer dans son pays.

Cette permission agrée aux couards ; ils se séparent des hommes de cœur et rebroussent chemin au nombre de dix mille. Maudite soit l’heure qui vit naître de telles gens ! Mais bientôt ils auront ce qu’ils méritent.

Au milieu d’un vallon étroit, un petit pont était jeté sur un ruisseau. C’est là qu’ils rencontrèrent Renouard. Quand il vit cette troupe, il crut que c’étaient des Sarrasins en fuite. Cela lui mit la joie au cœur, comme s’il avait trouvé une bourse. Mais en regardant de plus près leurs armures, il vit bien que c’étaient des chrétiens, qui n’osaient affronter l’ennemi et qui se sauvaient de l’armée. Il leur barre le