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Il n’y avait que Renouard qui en fût capable. Et les chevaliers de s’écrier :

— Tu es un démon ; si tu le veux bien, tu conquerras le monde entier.

— Messeigneurs, répondit le géant, je ne sais si vous êtes de Paris ou d’Arras ; mais par la foi que je dois à saint Thomas ! si Dieu me laisse mon tinel et mes bras, vous n’avez pas à vous inquiéter des Sarrasins.

On se leva de table parce que l’armée devait bientôt se mettre en mouvement. Plusieurs chevaliers coururent au tinel, mais aucun ne parvint à le soulever. Guillaume lui-même alla s’y essayer ; mais quoique la sueur lui ruisselât du front, il ne le leva pas plus haut qu’à un pied du sol.

— Je vous aiderai, dit Renouard ; et maniant le levier comme si c’était une branche d’olivier, il le fit tournoyer autour de sa tête et le jeta en l’air en jouant.

— Bienheureux le bras qui porte une telle massue, dit le comte. Si tu manges beaucoup, tu en as bien le droit.

— Allons, dit Renouard, nous tardons trop ; les païens auront tout le temps de fuir. Allons, à cheval ! Tout ce que je crains, c’est de ne pas les retrouver. Si je puis essayer mon tinel sur les Turcs, je ne donnerais pas un denier de leur armée, fût-elle de cent mille hommes, je les aurai bien vite chassés.

Le comte le serra dans ses bras et donna l’ordre de sonner le boute-selle. L’armée s’ébranla presque aussitôt. Les chevaux de somme, portant les bagages, défilèrent dans la campagne. Le comte Guillaume fit amener son cheval de bataille, Renouard lui tint l’étrier. Ses écuyers portent ses armes. Il embrasse Guibor et prie Dieu, le grand justicier, de la protéger pour qu’il la retrouve saine et sauve. Enfin le voilà parti, suivi de Renouard et Guibor monta dans la tour de Gloriette et alla s’accouder à une fenêtre. Toute la campagne était couverte de troupes marchant en bon ordre ; ici les bannières ondulaient au vent, là les heaumes