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en retentirent cinq lieues à la ronde. Les païens s’ébranlent ; l’herbe est foulée, la poussière se lève. Les deux armées s’entrechoquent. La terre tremble. Bientôt on ne voit que lances brisées, heaumes bossués, cuirasses faussées, écus troués, et des têtes, des pieds, des poings coupés. Maint Sarrasin est couché par terre, bouche béante et les boyaux lui sortant du corps. Par tout l’Aleschant l’herbe est ensanglantée.

Le comte Aymeric crie : Narbonne, son fils Guillaume : Monjoie, Bernard : Brebant, Aymer : Venise, Hernaut : Gironde, Guibert : Andernas, et Beuvon : Barbastre.

Le premier corps sarrasin, commandé par Aiquin, fut refoulé vers la mer et aurait été taillé en pièces si Balent n’était venu au secours de son père. Alors les cris recommencent et les grands coups pleuvent dru. La terre est abreuvée de sang.

Vous allez entendre une fière chanson ; jamais jongleur n’en chanta de meilleure ; faites bien attention !

Voici Bauduc qui s’élance à la tête de dix mille Sarrasins. Il galope devant les siens. Il rencontre Guy d’Auvergne, et lui donne un formidable coup de lance dans son écu du Beauvoisis ; il le perce ainsi que le haubert à doubles mailles ; il lui plante l’épieu de frêne dans le corps, et l’abat roide mort. Il retire de la blessure l’épieu avec le pennon ensanglanté et en tue un second chevalier, puis un troisième ; et avant que son arme se brise, cinq hommes sont tombés sous ses coups.

Aymer le voit, et piquant son cheval Florentin des éperons d’or, tire son épée et s’élance vers lui. Bauduc, de son côté, dirige son cheval sur ce nouvel ennemi. Ils ne s’épargnent pas, et bientôt leurs écus portent la trace de leurs coups furieux.

Aymer était un chevalier accompli, qui maniait l’épée avec une grande dextérité. Il porta à Bauduc un coup sur le heaume, et en fit voler de tous côtés les pierreries