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— Monseigneur, lui dit-il, je ne saurais plus chanter, car c’est ici que les larrons se tiennent habituellement. S’ils nous aperçoivent, nous n’en pourrons réchapper ; évêque ni abbé ne nous garantira pas de mort.

— N’aie pas peur, et chante toujours, répond le comte ; s’ils viennent, je saurai bien te défendre. Mais les diables les ont emportés, puisque je ne puis les rencontrer.

À ces mots le valet se remit à chanter, de manière à faire retentir toute la forêt.

Il fut entendu par quinze larrons, qui se trouvaient non loin de là et qui étaient sur le point de se mettre à table pour dîner. Ils venaient de piller un couvent, dont ils avaient étranglé les convers et volé les effets précieux.

— J’entends un jongleur, dit l’un d’eux ; écoutez comme il chante de Guillaume au court nez !

— Amenez-le ici, dit le chef ; s’il porte quelque avoir sur lui, il ne nous échappera pas.

— Seigneur, reprend le premier interlocuteur, n’en faites rien. Personne ne doit faire de la peine aux jongleurs ; au contraire, tout honnête homme devrait les aimer, leur donner deniers et robes et un bon repas.

— C’est folie ce que tu dis, lui répond le chef ; puisqu’il est venu sur nos domaines, il en sera puni. Avant qu’il sorte de nos mains, il pourra se plaindre d’être né.

Les bandits sautent sur pied, prennent leurs armes et s’élancent du côté de Guillaume. Quand ils l’aperçoivent ils poussent un cri si terrible que les chevaux en sont effrayés et le comte lui-même a senti battre son cœur.

— Halte là, seigneur moine ! vous ne nous échapperez pas. Si vous faites un pas de plus, vous êtes mort.

— Que me voulez-vous, fit Guillaume ? Si vous nous faites mal, vous n’y gagnerez rien ; vous serez excommuniés par notre seigneur l’abbé, par le pape et l’Église entière.

— Vous parlez comme un âne, lui répond le chef des