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L’armée arriva bientôt sous les murs de Narbonne et le siége commença à la grande terreur de dame Hermengard.

Un beau matin Thibaut était assis dans sa tente et jouait aux échecs avec l’émir Turfir, quand un cavalier arriva en grand désordre au camp. Il alla droit au roi et lui dit :

— Sire Thibaut, vous jouez de malheur. Les messagers que vous aviez envoyés à Orange, pour demander en mariage la belle Orable, ont été tués.

— Qui a fait cela ? demanda Thibaut.

— Par Mahomet ! je vais vous le dire. C’est le vieux comte Aymeric et son fils Guillaume, un damoiseau qui s’est fait remarquer en tuant vos hommes avec une grande perche. Et il emmène Baucent, le merveilleux coursier qu’Orable vous envoyait par Aquilant, votre ambassadeur. Déjà elle semble vous avoir oublié ; car on lui a dit tant de bien de ce Guillaume, qu’elle lui a envoyé un messager, porteur d’une manche, comme gage d’amour.

À cette nouvelle, la fureur s’empara de Thibaut ; il prit une tour sur l’échiquier et la jeta à terre avec tant de force qu’elle se brisa et que les éclats en volèrent au plafond. Puis ayant rassemblé les rois qui l’avaient accompagné, il leur dit :

— Barons, préparez-vous au combat et allez-moi raser le château.

Ils obéirent à ses ordres et coururent s’armer. Alors Thibaut s’écria orgueilleusement :

— Ah ! Narbonne, te voilà bientôt en mon pouvoir. Jamais Aymeric à la barbe blanche ne reverra sa femme que j’emmènerai en pays musulman, et ferai punir d’une manière éclatante, ou je la donnerai en mariage au roi d’Afrique, à qui je confierai la garde de la ville gagnée, du château et de la mosquée que nous allons y établir.

Cependant ses hommes sont prêts à l’attaque et le roi leur dit :

— En avant, chevaliers ! Si vous ne reduisez pas Narbonne