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de Gloriette ; jamais fête aussi splendide n’avait eu lieu sur la terre d’Espagne. Trente rois et quinze émirs servirent à table.

À peine était-on assis, qu’à la grande surprise de tout le monde, un grand cerf dix cors se détacha du mur et se mit à courir dans la salle. Soixante veneurs, sonnant du cor, et quatre cents chiens glapissants courent après lui. Thibaut, tout émerveillé, demanda à Orable :

— Qu’est-ce que cela signifie, belle reine ?

— Ce sont les jeux d’Orange, monseigneur, qui commencent en votre honneur. Vous verrez aujourd’hui tous les amusements qu’offre ce palais.

En donnant du cor et en criant pour exciter les chiens, les veneurs causèrent une telle peur au cerf, qu’il sauta sur la table, où il mit en pièces les plats et renversa les grandes coupes. Alors sortirent de ses narines cent vilains, vélus comme des chiens, et démesurément grands ; ils n’avaient qu’un poing et un pied, et leur accoutrement ne valait pas un denier. Chacun d’eux portait sur son dos cinq arbalétriers, décochant des traits en tous sens. Plus de mille païens tombèrent sous leurs coups.

Thibaut, plein de courroux, cria à la princesse :

— Dame Orable, faites retirer vos gens.

— Monseigneur, répondit-elle, vous vous moquez de moi ; ils ne font que commencer. Vous en verrez bien d’autres avant le coucher du soleil.

Cependant la scène changea. Quatre cents moines, plus noirs que l’encre, entrèrent en chantant dans la salle ; chacun d’eux portait sur ses épaules un géant, jetant feu et flammes par la gueule. En faisant le tour de la salle, ils brûlent les moustaches à quelques centaines de Persans. Enfin ils s’arrêtent devant Thibaut : ils le tirent par les cheveux et le bousculent de telle manière qu’il resta étendu sur la table. Il ne faut pas demander s’il eut peur ; il invoqua tous ses dieux et s’écria :