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— Que dis-tu, mon fils ? repartit le comte. Laisse aller Thibaut de Barbarie ; il a bien trois mille Sarrasins avec lui. Retournons à l’armée qui est loin de nous, et allons secourir tes frères Garin, Hernaut, Bernard et les Français. Si tu y vas, tu tueras tant de païens qu’avant la nuit nous aurons gagné grand butin. Le roi Charles en aura sa part en reconnaissance de ce qu’il t’a armé chevalier, et tu en enverras tant à Saint-Denis que les reliques du saint gagneront en honneur.

— Comme il vous plaira, répondit Guillaume ; car je sais bien que celui qui n’a pas confiance dans les paroles de son père, court après son malheur.

Là-dessus il ramassa une lance que le roi Aarofle avait jetée à terre, et s’en retourna sur ses pas.

Cependant le roi Thibaut avait repris courage ; on lui avait retiré de sa blessure le gros tronçon de lance et on banda la plaie avec une bande de toile blanche. Il retourna au combat à la tête de quinze mille Musulmans. Arrivé sur le champ de bataille, il tint conseil avec son neveu Malagu, avec Aarofle, Bauduc et Chahu.

— Barons, leur dit-il, j’ai été fort malmené par Guillaume et son père, le vieux Aymeric ; s’ils se tirent vivants d’ici, j’en aurai un chagrin mortel. Or, voyez les Français au sommet de la montagne ; ils sont en petit nombre et nous sommes les plus forts. Piquons vers eux ; car par Mahom ! à qui j’ai voué ma vie, si je pouvais me rendre maître du vieux Aymeric, demain il serait pendu par la gueule sur cette hauteur, à la barbe de ses fils.

Après lui Bauduc, le fils du puissant Haquin, prit la parole. Il était monté sur un superbe cheval d’Orcanie, plus agile à la course que cerf ou biche. Il dit ces fières paroles :

— Bon roi d’Arabie, ne perdez pas courage. Attaquons les Français, frappons-les de nos lances et de nos épées et ouvrons leur le ventre et la poitrine. Par la foi que je