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— Hélas, que je suis trompé ! Cet héritier couard n’est pas mon fils : c’est un bâtard pour qui je ne ferai jamais rien. Ce serait un péché que de le couronner roi. Il vaut mieux lui tonsurer la tête afin qu’il soit moine dans ce moûtier à Aix ; il deviendra peut-être marguillier et sonnera les cloches ; il aura sa provende et n’aura pas besoin de mendier.

À côté de l’empereur était assis Hernaut d’Orléans, homme orgueilleux et méchant. Il se leva et lui tint ce discours perfide :

— Sire empereur, calmez-vous et écoutez mon conseil. Messire est jeune ; il a à peine quinze ans accomplis. On aura de la peine à en faire un bon chevalier ; mais chargez-moi de cette besogne, confiez-le en ma tutelle pour trois ans, et nous verrons ce qu’il deviendra. S’il se montre preux et bon chevalier, sans hésiter je lui rendrai ses domaines et ses fiefs.

— Je vous l’octroie, répondit le roi, à la grande joie des parents du perfide duc Hernaut.

Celui-ci aurait fini par être roi, si Guillaume ne fût survenu. Il revenait de la chasse, lorsque son neveu Bertrand courut à lui et saisit son étrier.

— D’où venez-vous, beau neveu ? demanda Guillaume.

— De l’église, monseigneur, où j’ai vu commettre un grand péché. Hernaut veut trahir son seigneur naturel ; il veut prendre l’empire à Louis. Il sera roi de France.

— Cette pensée lui portera malheur, s’écrie le fier chevalier. Et l’épée au côté il entre dans l’église. Il se fait jour à travers la foule, et voit Hernaut en habit de fête en avant de tous les chevaliers. Il avait grande envie de lui couper la tête, mais il se souvint de Dieu. C’est un péché mortel que de tuer un homme ; voilà pourquoi il remit son épée dans le fourreau. Puis, après cette réflexion, il s’avança et lui mit la main gauche au collet et de l’autre poing lui donna un tel coup sur le crâne, qu’il le fit tomber mort à ses pieds.