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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/119

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monde ; je crois bien qu’au contraire ce fut moi qui rougis de ses réparties.

La connaissance me sembla suffisamment faite et, le diable me poussant, je m’en fus rôder le dimanche suivant autour de Toveny. Je me dissimulai dans un carré de maïs voisin de la cour et ne tardai pas à voir Hélène qui s’en revenait de traire. Elle porta à la maison sa cruche de lait et ressortit un moment après, transformée, ayant mis un bonnet blanc, un caraco propre, des sabots nouvellement noircis. Elle retourna à l’étable pour détacher les vaches qu’elle démarra hors de la cour. Cinq minutes plus tard, les bâtiments n’étant plus en vue, je me trouvais comme par hasard sur son passage, dans le chemin.

— Tiens, vous êtes par là ? fit-elle, l’air étonné.

— Oui, je me promène pour ma santé.

— Eh bien, si vous voulez venir m’aider à garder les vaches ?

— Je voulais vous le proposer.

Nous dévalâmes côte à côte par une rue ombreuse et solitaire jusqu’à un pré de bas-fond que bordait un petit taillis. J’étais un peu ému de me voir seul avec cette dispensatrice d’amour et je ruminais péniblement des phrases de circonstance que je ne parvenais pas à rendre viables. Elle jouait avec sa trique, gaie, très à l’aise, faisant tous les frais de la conversation. Je fus ennuyé de voir qu’il y avait à l’autre extrémité du pré une chaumière de journalier auprès de laquelle jouaient des enfants. Mais ma compagne proposa, comme devinant ma pensée :

— Tenez, si vous voulez, nous allons entrer dans le taillis cueillir des noisettes.

Je m’empressai d’accepter, et, quand nous y eûmes pénétré, bien que le cœur me battît fort, je me fis entreprenant : passant mon bras autour de la taille d’Hé-