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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/79

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flait violemment par rafales intermittentes. La bruine, qui n’avait cessé de tomber dans la journée, avait rendu le sol glissant. Nous allions avec précaution, nous tenant par le bras et essayant mutuellement de nous éviter une chute complète quand nos sabots dérapaient.

Je gardais le silence, très ému par la nouveauté de la scène. Thérèse dit :

— Il ne fait pas bon s’en aller ; il fait aussi noir que dans le cul d’un four.

— Oh bien, quand on est deux… fis-je timidement.

Et, sur sa joue fraîche, je posai mes lèvres d’un geste brusque.

Je ne pouvais, en raison des ténèbres, observer sa physionomie, mais il me sembla que mon audace ne l’avait point trop surprise. Pourtant, comme je faisais mine de vouloir m’arrêter :

— Finis donc, va, grand bête ! dit-elle d’un ton plus condescendant que fâché.

Je lâchai son bras, recueillis sa main dans ma main droite et, du bras gauche, lui enlaçai la taille.

— Il y a bien longtemps, Thérèse, que je souhaitais une occasion comme ça pour te proposer de devenir ton bon ami…

— Tu en seras bien avancé… Tu ne veux pas te marier encore, je pense ?

— Peut-être sans bien tarder, va…

Je serrai plus fort sa taille et pressai sa main davantage ; puis, d’un mouvement énergique, je l’arrêtai :

— Tu voudras, dis ?

— Quoi ?

— Te marier avec moi ?

Et, grisé, sans lui donner le temps de me répondre, je l’embrassai de nouveau, longuement. Mes lèvres cherchèrent ses lèvres…