d’un temple qui a brûlé il y a quelques années, et dont il ne reste que les avenues deux fois séculaires et les jardins sacrés dont les arbres énormes complètent l’ensemble d’incroyable grandeur produit par les gigantesques matsous de la route.
Quel rêve que ces chemins japonais !
Plus loin, je remarque un autre bouddha. Celui-là est mitre, c’est un Daï-niti-niouraï, le plus distingué de tous les bouddhas.
Les maisons des hameaux que nous traversons sont ornées de grandes lanternes de papier garnies de caractères chinois. Il paraît que c’est en l’honneur de la fête des damnés. Oui, les damnés eux-mêmes ont ici leurs petites réjouissances.
Les auberges où nous nous arrêtons sont toutes construites sur le même modèle ; la cuisine en tête, les appartements de distinction au fond donnant sur des jardins. Les murs sont souvent ornés de kakémonos représentant des scènes religieuses ou historiques et de cadres contenant des pensées poétiques.
Exemple : « J’ai vu une belle lampe, s’écrie un poète, mais, sa lumière m’a paru moins belle lorsque le corbeau m’a annoncé le jour. »
Ce qui nous apprend d’abord que c’est le corbeau ici et non le coq dont le chant précède l’aurore et ensuite qu’il n’est si belle chose qui ne puisse être dépassée ; tout progrès fait pâlir le progrès qui l’a précédé.
L’auteur de ce trait de génie a signé modestement : « L’élève qui demeure à l’endroit nommé Ombre de l’arbre vert. » La signature tient plus de place que l’œuvre.
Sur les bords du chemin, les matsous contournés sont remplacés peu à peu par quatre rangs de cryptomerias immenses qui s’élancent droits comme des mâts de navire. La route assombrie et flanquée de forêts de grands bambous ressemble à une vaste cathédrale à trois nefs.